histoire de l'étalon or

Day 969, 02:41 Published in France France by Michkhine
L’étalon or


Après plusieurs semaines d’absence, mon journal revient avec une nouvelle étude : l’étalon or.



L’utilisation de l’or comme monnaie de référence est des plus anachroniques dans le jeu mais n’est pas sans fondements historiques. Quelle est l’histoire IRL de l’étalon or ?
Depuis des siècles, l’étalon or a prévalu dans le monde occidental. Comment se fait il que cette référence à l’or soit si répandue ? Quel est son fonctionnement ? Quel est son histoire ? Voici les parties qui seront abordées ici.


1/ Pourquoi la référence à l’or ?
L'or possède plusieurs caractéristiques intéressantes pour en faire un étalon monétaire : il est rare (la quantité totale d'or est stable dans le temps), durable, fongible (interchangeable), et facilement identifiable par sa couleur, sa densité, sa ductilité et ses propriétés acoustiques.
Les marchands et négociants en ont fait une unité de compte courante depuis l'Antiquité, ainsi qu'un instrument de réserve de valeur. Les modalités exactes de l'évolution de la monnaie varient selon l'époque et le lieu, mais les historiens pensent en général que la forte valeur accordée à l'or en ont fait une réserve de valeur et une unité de compte pour d'autres instruments de réserve de valeur — ainsi, à Babylone, le boisseau de blé était l'unité de compte, et une quantité d'or correspondante (beaucoup moins encombrante) servait à représenter et échanger cette valeur. Les systèmes monétaires primitifs basés sur des céréales utilisaient aussi l'or pour représenter la valeur du grain stocké.

Dans le cadre d'un système monétaire fondé sur un produit ou une denrée, le rôle du papier-monnaie est de limiter le danger à transporter directement l'or, de limiter les possibilités de rogner les pièces d'or (d’où les rainures sur les cotés des pièces actuelles), et d'éviter la déperdition de la masse monétaire circulant du fait de la thésaurisation. Les premières tentatives d'utilisation du papier-monnaie ont été favorisées par le manque de fiabilité des moyens de transport (les voyages longs étant particulièrement dangereux), ainsi que par le désir des États de contrôler ou réguler le commerce sur leur territoire. Les billets de banque à garantie d'or sont parfois appelés « certificats », ce qui les distingue d'autres formes de papier-monnaie. Pendant longtemps, la valeur totale des billets échangés étaient strictement égal au volume d’or disponible dans les caisses du royaume afin de pouvoir changer toute la masse de billet en or afin d’éviter les crises de liquidité (perte de confiance dans le système financier).
Cependant, pour la plupart des civilisations, c'était l'argent qui constituait l'essentiel de la masse monétaire, et qui était utilisé dans la plupart des échanges. L'or, lui, servait de moyen ultime de stockage de valeur, et n'était utilisé comme moyen de paiement que lorsque la quantité — et donc le poids — d'argent étaient trop élevés, en particulier pour payer des armées. L'or a supplanté l'argent comme instrument de commerce à quelques époques, comme l'âge d'or de l'Islam, l'apogée des cités-États d'Italie, et surtout pendant le XIXe siècle. Depuis, l'or est resté métal de réserve jusqu'à l'effondrement du système de Bretton Woods en 1971 ; il sert maintenant de réserve de précaution face aux actions des banques centrales et des États, de placement liquide, et de stockage de valeur.

2/ le fonctionnement de l’étalon or et la détermination de la valeur des monnaies :

Prenons l'exemple d'un pays qui a une balance des paiements déficitaire (commerce déficitaire): Le déficit se traduit par des sorties d'or, synonymes d'une réduction de la quantité de monnaie en circulation dans l'économie (puisque la création monétaire est liée aux stocks d'or de la banque centrale). Cette réduction a un effet déflationniste : les prix vont baisser. Cette baisse des prix va permettre de rendre plus compétitifs les produits nationaux et ainsi de revitaliser les exportations. La balance des paiements retrouve l'équilibre, le même processus allant se reproduire dans les pays voisins.

3/ histoire de l’étalon or

A) de l’antiquité au XVII siècle
L'Empire romain utilisait deux pièces d'or principales, pures à 95-98 % : l’aureus, un alliage or-argent d'environ 7 grammes, puis, à partir du IVe siècle, le solidus qui pesait 4,4 grammes dont 4,2 d'or. Les fabriques de monnaie romaines étaient très actives, et des millions de pièces circulaient sous la république puis sous l'empire.
Après l'effondrement de l'Empire romain d'Occident et l'épuisement des mines d'or en Europe, l'Empire byzantin fabriqua de nouvelles pièces, appelées nomisma puis besant. Pendant quelques siècles, ces pièces restèrent fabriquées aux normes romaines et étaient équivalentes au solidus, mais l'Empire décida d'en réduire la proportion d'or à partir du XIe siècle ; vers la fin du siècle, la monnaie en circulation ne contenait plus que 15 % d'or (en poids).
En 1284, la République de Venise fabrique ses premières pièces d'or ; le ducat devient la monnaie européenne la plus courante pour les cinq siècles suivants, du fait du rôle stratégique de Venise dans le commerce avec le monde islamique, puis de sa capacité à attirer de nouveaux stocks d'or. D'autres pièces, comme le florin ou le noble anglais font leur apparition vers la même époque et accompagnent l'expansion du commerce.

Avec la conquête de l'Empire aztèque et de l'Empire inca, l'Espagne trouve accès à de nouveaux stocks d'or et d'argent. L'unité de compte principale des espagnols était l'escudo, et la pièce de 8 escudos, ou doublon, était la plus connue. Du fait de son abondance, l'or devient seule monnaie légale dans les Antilles espagnoles en 1704. Aux États-Unis, la monnaie espagnole est bien plus courante que la monnaie anglaise, et le dollar US est à l'origine équivalent au peso. Le marché des changes de Philadelphie est un des principaux centres d'échange de monnaie espagnole.

😎 la naissance de l’étalon or véritable

Au début du XIX siècle, la convertibilité de la monnaie anglaise en or est interrompue à cause des guerres et de leur coût. Après la fin des guerres napoléoniennes, l'Angleterre entreprend un programme ambitieux de fabrication de monnaie, qui comprend la création de souverains d'or, de couronnes et demi-couronnes d'argent, et de farthings de cuivre en 1821. En 1819, la loi sur la reprise des paiements en monnaie, l'Act for the Resumption of Cash Payments, indique que la convertibilité reprendra en 1823. La Loi sur la charte des banques (Bank Charter Act) déclare que les billets de la Banque d'Angleterre sont la seule monnaie légale, et qu'ils doivent être garantis par une couverture complète en or. C'est cette date qui correspond à l'établissement de l'étalon-or en Grande-Bretagne, au sens strict.
En 1848, la loi sur l'indépendance du Trésor sépare les comptes du gouvernement fédéral américain et du système bancaire, et impose au Département du Trésor un étalon strict. Cependant, le taux de conversion or-argent surévalue ce dernier par rapport à la forte demande d'or nécessaire au commerce avec l'étranger, principalement la Grande-Bretagne. Cette érosion de la quantité d'or en circulation en faveur de l'argent rend la prospection d'or nécessaire, et permet la ruée vers l'or de Californie en 1849.
La crise ultime du système bancaire international éclate en 1857, lorsque les banques américaines suspendent tout paiement en argent ; l'instabilité monétaire se propage aux autres pays. En 1861, le gouvernement américain suspend les paiements en or et argent, ce qui met un terme aux tentatives d'institution d'un étalon-argent. Entre 1860 et 1871, quelques tentatives de résurrection d'un étalon bimétallique ont lieu, mais la découverte de filons d'argent dans l'Ouest américain rend illusoire l'idée qu'il s'agit encore d'un métal rare.
L'Allemagne est fondée à la suite de la guerre franco-prussienne ; elle crée le Reichsmark, adopte un étalon-or strict, et utilise l'or extrait dans les mines d'Afrique du Sud pour augmenter la masse monétaire. Les autres pays se rallient rapidement à ce système, qui profite des propriétés de l'or comme unité de valeur stable, échangeable et universelle. Cette adoption va de pair avec la première mondialisation.

Le système ainsi créé devient le premier véritable système monétaire international, à savoir un ensemble de règles définissant les modes de détermination du cours des monnaies et la nature des réserves internationales permettant le règlement des échanges internationaux.
L'étalon-or remplace le bimétallisme : la monnaie était auparavant convertible à la fois en or et en argent. Cette adoption est dans la plupart des cas une adoption avant tout de facto, rendue officielle ultérieurement.

C) de 1900 aux accords de GENES
Ce système où toutes les monnaies ont des valeurs d’or définies trouve brutalement son terme lorsque la Première Guerre mondiale éclate. Le Royaume-Uni se trouve rapidement contraint d'abandonner la convertibilité des billets. À la fin de la guerre, l'Angleterre se trouve de fait dans un système de monnaie fiduciaire, dans lequel les mandats postaux et les bons au trésor sont monétisés. Les besoins gigantesques en matériel militaire provoquent l'inflation. Tous les pays choisissent d'imprimer plus de monnaie qu'ils ne possèdent de contrepartie en or, comptant sur les réparations de guerre une fois la victoire acquise, sur le modèle utilisé par la Prusse lors de la Guerre franco-prussienne. Les États-Unis et la Grande-Bretagne mettent en place une suite de mesures destinées à contrôler la circulation d'or et à réformer le système bancaire, mais sont finalement contraints de suspendre la parité-or pour financer l'effort de guerre.
Le Traité de Versailles impose à l’Allemagne et aux empires centraux défaits des réparations de guerre, dont la France espère qu’elles lui permettront de reconstruire son économie dévastée par le conflit. L’Allemagne, contrainte de remettre la plus grande partie de son or au titre des réparations, renonce à émettre des Reichsmarks d’or et opte pour la monnaie de papier.
Durant les années 20, les États-Unis qui profitent d’une balance commerciale excédentaire fournissent par les plans Dawes et Young, les fonds nécessaires à l’Allemagne pour rembourser la France, afin qu’en définitive la France rembourse ses dettes vis à vis des États-Unis. Après la guerre, la République de Weimar doit faire face à l’hyperinflation (les prix sont multipliés par un demi milliard entre 1923 et 1924) et doit mettre en place une monnaie provisoire, le Rentenmark, pour y mettre fin. Ce plan fonctionna, bien qu’il fallut encore une année pour revoir apparaître des Reichmarks en or.

D) les accords de GENES et la guerre

Les accords de Gênes de 1922 ont pour but de rétablir l'ordre monétaire mondial complètement désorganisé par la Première Guerre mondiale. Cette conférence est décidée à l'initiative de la Grande-Bretagne. Elle réunit tous les pays ayant participé au conflit sauf les États-Unis.

Ces accords prévoient :
1. que les pays doivent au plus vite, si possible, rétablir la convertibilité de leur monnaie en or,
2. le Gold Bullion Standard : convertibilité en lingots,
3. le Gold Exchange Standard : les monnaies non convertibles en or pourront l'être en monnaie forte ou devises clés, c'est-à-dire en monnaie convertibles en or. Il s'agit à l'époque du dollar et de la livre sterling.
Le Royaume-Uni revient à l'étalon-or en 1925, suivant l'avis des économistes conservateurs d'alors, malgré les réticences du Chancelier de l'Échiquier, Winston Churchill. Malgré l'inflation élevée survenue à la sortie la guerre, Churchill adopte la parité d'avant-guerre. Afin de revenir à cette parité, le gouvernement conduit une politique d'austérité monétaire entre 1920 et 1925. La valeur effective de la livre sterling en or est progressivement augmentée, ce qui provoque une déflation de l'économie.
Pendant la période 1939–1942, le Royaume-Uni dépense une grande partie de son stock d'or pour acheter des armes et munitions en « cash and carry » auprès des États-Unis et d'autres pays. Winston Churchill en conclut que le retour au système d'avant-guerre sera difficile ; dans le même temps John Maynard Keynes, qui s'était opposé au retour à l'étalon-or dans les années 1920, gagne en influence dans le gouvernement, et ses propositions se concrétisent finalement par les Accords de Bretton Woods.

E) les accords de BRETTON WOODS
Les accords de Bretton Woods mettent en place un système d'étalon change-or : la valeur du dollar US est directement indexée sur l'or (à 35 dollars par once), tandis que les autres monnaies sont indexées sur le dollar. Le système devient donc un étalon dollar autant qu’un étalon or, « dollar is as good as gold ». Les réserves des banques centrales doivent alors être constituées de devises et non plus d'or. Le gouvernement américain garantit la valeur du dollar, mais n'est pas obligé d'avoir une contrepartie en or aux dollars émis.

Les États-Unis, le 15 août 1971, unilatéralement. C'est le Président Nixon qui décida de mettre fin à la convertibilité du dollar en or. Ce choc Nixon met définitivement fin à l’étalon or. La valeur de l’or explose et les monnaies fluctuent depuis librement entre elles, la valeur des monnaies correspondant à l’offre, à la demande et bien sûr à la spéculation sur la valeur des monnaies…