Saisissons-la, elle attend !

Day 788, 11:24 Published in France France by Ivan Dusaiks


Derrière, la Liberté.


L'on murmure que je me devais de partir. J'aurais aimé l'assumer. Certains des joueurs desquels je suis le plus proche m'ont convaincu du contraire, de négliger les petites querelles de comptoir, de faire fi des monstres politiques, et si je les ai entendus, ce n'est que parce que j'estime n'avoir songé qu'à moi, à ma frustration seule, sur l'instant du départ. Mais comme ils se trompaient ! L'on n'échappe pas à ses démons, et si je prends ma plume, lasse, ce soir, c'est pour répondre à la sortie larmoyante de mon confrère Clémenceau.

L'on déplore l'état actuel de la France. Soit. On critique l'action des gouvernements successifs. Soit, je l'ai fait aussi, et je le fais encore. Et puis, sans crier gare, l'on glisse subrepticement sur une accusation aussi hasardeuse qu'improbable, quoique facile, sur le coupable trouvé, idéal, si accessible, si bonne poire : la politique. Elle a bon dos, la grosse !

Et l'on y va, d'une petite rhétorique sur l'union nationale, sur le peuple souverain qui soudain prendrait conscience de sa destinée historique... en s'unissant derrière une barrière unique et fantasmagorique, celle de la cohésion, de la petite armée de votants disciplinée qui marcherait au pas, et les hommes, éperdus, qui s'embrassent dans la joie...

Et pourtant, ce n'est pas faute pour notre ami d'avoir, depuis un an, dénoncé, comme d'autres, les crâneries de notre bon vieux PSD sauce Faynel, qui, sous ses atours protéiformes, s'est, jusqu'au récent départ de Bonne et de sa comparse, acharné sur le pays comme un mauvais médecin sur son cadavre, pour le mettre au pas, derrière un drapeau, une bannière, et des idéaux plus ou moins fumeusement nationalistes et vains. Furieusement vains, et futiles !

Oui, le constat est juste, oui, la France a mal, elle souffre de ses élites, mais non, le conflit n'en est aucunement responsable ! Un monde sans conflit est un monde sans saveur. Aucune âpreté sur laquelle trébucher, aucun enjeu, aucune démangeaison qui incite à agir, si ce n'est l'éternelle et impitoyable certitude qu'en définitive, c'est l'ennui, plus destructeur que tout, qui remportera la bataille. A-t-on déjà oublié ce que l'on déplorait ?

Derrière chaque opposition, derrière chaque défi, se trouve le progrès. Oh, peut-être pas le progrès de l'humanité, celui-ci semble quelque peu hors d'espoir, mais au moins la possibilité, la chance, de faire mieux après confrontation. Que le meilleur ressorte de la lutte. Pour ne pas pasticher Duras, l'union nationale, c'est la mort. Assurée. Évidente et certaine, car, tandis que les gladiateurs s'adonnent à la joute, ils bâtissent malgré eux, ensemble, les morbides fondations d'un avenir moins mauvais.

Ce qui est sûr, c'est qu'en France, dans ce minuscule pays virtuel, cette révolution par les urnes n'est pas encore venue. Depuis maintenant un an, l'on remplace périodiquement des médiocres par d'autres, avec parfois quelques rares boutons d'or, vite fanés – et j'assume pleinement ce jugement de valeur. La France souffre des mauvais, des peureux, des avides, des prudents, de ces pseudo-leaders en bons pères de famille aux valeurs idoines, ou des stupides, plus rares, mais franchement insouciants, qu'une partie du monde a su mettre au rebut.

J'ai la naïveté franche de croire que les conditions les plus extrêmes éprouvent les hommes, et sont à même de faire sourdre du néant ou de la fange poisseuse les leaders de demain, et de, pour le dire poliment, reléguer les moins bons quelques bons rangs derrière ; c'est une nécessité, pour que les choses changent, de nos conflits doivent naître, au sens étymologique, fondamental, une aristocratie, le gouvernement des meilleurs, et aucun autre que lui. Peu importe leurs noms, peu importe leur grade, seuls leur intégrité et leur courage dans la lutte les feront émerger.

Les adversaires que nous citons ont, eux, passé leur crise. Les USA semblent avoir résolu leurs éternels problèmes de leadership lorsqu'un certain Emmerick parvint au pouvoir, l'Espagne semble, elle, avoir retrouvé une certaine tenue stratégique, et peut désormais appuyer sa richesse d'audace – nous n'en sommes pas encore là. Nous étions trop peu nombreux lors de notre dernière crise, celle du fameux French toast, pour qu'un groupe prenne la tête autrement que par ses appuis et toutes ses clientèles ; c'est demain, au sortir de la guerre, que se joue notre instant décisif et vital, c'est demain, à l'aune de l'épreuve de nos guerres, que nous pourrons choisir, sereinement, ceux qui se sont comporté de façon exemplaire.

La France est-elle un pays en pleine débâcle, sur tous les fronts ? Oui, assurément, mais cela ne nous donne aucun droit de juger d'un avenir qui n'est pas encore fait, et de la lutte interne qui se joue présentement dépend notre futur, et si nous l'étouffons, si nous nous contentons bêtement de marcher tous au pas, écrasés, sous la botte, alors nous creusons là notre fosse commune.

Pour reprendre l'incipit de mon canard préféré, La liberté de la presse ne s'use que lorsqu'on ne s'en sert pas, et cette vraie liberté n'est pas celle de se plaindre, mais celle de se battre, pour qu'un jour, cela change !


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Un conseil pour la route, évitez IRC, c'est pire que la Cité Interdite, ses plaisirs en moins.