Analyse du discours politique français

Day 792, 11:00 Published in France France by Ivan Dusaiks


Tandis que les héros se gargarisent d'élans passionnés, les diplomates se meurent.



L'on entend de plus en plus des appels, parfois vains, à une sorte d'union nationale, surtout, en vérité, de la part des plus jeunes, ou de ceux qui n'auraient pas pris le temps de véritablement s'intéresser à autre chose que leur salaire, ou l'endroit où il faudrait taper. Ne voyons pas là de jugement de valeur, après tout chacun se sert comme il l'entend d'eRepublik, et le jeu est aussi fait pour se jouer en 5 minutes.

Cependant, il est assez irritant de s'entendre faire des leçons de moraline, à la fins de bons prêches sur « tous coupables, sauf moi », pour finir par « suivez ma bannière », ce qui reste, en réalité, un moyen insidieux d'attiser les divisions sur de vieilles querelles. Plutôt que de les laisser, par l'usure, s'éteindre, l'on accuse, alors que l'indifférence seule pourrait venir à bout de telles dissensions.

En outre, il est parfois trop facile d'accuser de taxer de puéril ce dont on n'a pas connaissance, et il est aussi prétentieux que stupide d'appeler à l'unité sans même prendre la mesure des enjeux et des forces en présence, parce que parler d'union nationale sans réconciliation nationale revient à filer un cachet de paracétamol à un homme qui vient de perdre sa jambe. Cette bonne blague. La France ne s'unira jamais tant que le linge sale ne peut être lavé, et sans que chacun puisse se faire une idée claire de la nature et des origines de tels conflits internes. Que nos nouveaux, au lieu de s'exaspérer, comprennent, donc.

Ce qu'il faut tout d'abord savoir, c'est que la France a toujours été, et reste, dans une certaine mesure, un pays individuellement faible, et économiquement peu reluisant, sauf en de rares éclaircies. Malheureusement, les adeptes de chasses aux sorcières en seront pour leurs frais, il s'agit plus d'un problème lié aux mentalités qui ont prédominé pendant toute la bêta, puis jusqu'à la fin de l'hégémonie du parti social démocrate vieille école, avec des convictions qu'il n'était en réalité pas le seul à partager, loin s'en faut. Je n'aime guère médire des morts, mais plusieurs erreurs ont été commises, telles que l'absence d'interventionnisme étatique éclairé en matière économique (peur héréditaire et très nationale de l'impression monétaire, crainte ou vénération aveugles d'entreprises étatiques spécifiques, manque d'agressivité dans la régulation des marchés, etc), l'invasion de la suisse lors des débuts de la version bêta, et j'en passe. Il importe moins que l'on fasse la liste des griefs que nous aurions à avoir à l'égard du passé que de comprendre que la France a un véritable héritage politique, et qu'en dépit de ses défauts, il faut bien faire avec, et que le renier ne peut conduire, dans le meilleur des cas, qu'à l'éternel retour du même, ou dans la pire des situations, à massacrer ce qu'il reste de vigueur au sein de notre petit pays.

Nous sommes dont définitivement marqués, et la faiblesse, ainsi que les mentalités inhérentes, font partie du bagage, ce qui peut parfois expliquer les excès de prudence ou les ardeurs démesurées dont font preuve nos élites, c'est le premier point à prendre en compte.

Le second est plus complexe, et tient plus aux principes et aux convictions qu'à un état de fait lié au jeu lui-même. Chaque parti a ses propres convictions, mais, comme sur le célèbre « political compass » des anglo-saxons, il se place non pas selon des critères linéaires, mais sur un échiquier dynamique, qu'il importe de connaître. Globalement, deux grandes lignes se dégagent :
- Le rapport à l'état, avec deux grandes tendances : l'état doit commander aux français parce qu'il est à même d'optimiser les moyens à disposition, et l'état se doit de laisser libre-cours aux désirs individuels, et les rassembler en fixant un objectif supérieur.
- Le rapport à la communauté : Seuls les meilleurs survivront et resteront dans le jeu, et n'abandonnons personne sur le bord de la route, même si cela constitue une charge supplémentaire.

Par honnêteté intellectuelle, je dois vous avertir que votre serviteur choisit, dans chaque proposition, les deux dernières (individualisme et solidarité), contre les deux premières (autorité et sélection darwinienne). Chaque parti peut ainsi se définir, indépendamment des fioritures oratoires, des positionnements économiques réels ou supposés, se résumer selon ces deux tendances, comme peut le résumer ce graphe :




Taille réelle.


Ceci ne reflétant pas nécessairement tous les positionnements individuels, de plus les partis placés selon des observations issues non pas de leurs programmes politiques, mais selon leur positionnement le plus souvent constaté lors des débats présidentiels ou au congrès.

Vous comprendrez donc l'origine de tant de divisions. Elles ne sont pas là spécifiquement pour agacer ceux qui d'ailleurs ont clairement tort de « s'en foutre », elles ne sont pas là non plus pour décorer ou pour notre bon plaisir ; elles sont la preuve que notre vie politique recèle de véritables et sincères engagements, et ne se résume pas, quoiqu'on en dise, à cocher ou non toutes les cases de conquête d'un pays, ou à promettre plus ou moins de taxes le mois suivant. Il y a véritablement quelque chose, que les autres pays n'ont pas, et dont on aurait tort de se priver, parce que cela nous a parfois fait plus et mieux avancer qu'eux.

Le véritable enjeu politique actuel n'est donc pas de se poser comme étant au-dessus des querelles tout en y étant mêlé en sous-main, n'est pas De Gaulle qui veut, mais bien de réussir un tour de force diplomatique, qui consiste à concilier les tendances majeures, sans trop mécontenter les différentes factions. Lorsque l'unanimité n'est pas possible, les appels patriotiques doivent céder leur place à quelque chose de bien plus ancien, quoique prétendument moins noble que les élans passionnés pour les icônes, qu'elles soient nationales ou plus abstraites, à savoir la diplomatie, la négociation, et, pour le dire abruptement, un peu plus de marchandages. Cela n'a rien de honteux, cela s'appelle le compromis, et s'il apporte moins de glorioles fumeuses à son auteur, cela vaut sans doute bien mieux que d'attiser les haines pour se percher sur son petit et bien gras piédestal.


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